A l’occasion de la journée internationale de lutte contre le cancer (célébrée le 04 Février 2018), il serait utile de nous interroger sur le lien entre notre environnement, nos habitudes alimentaire et l’évolution de certains cas de cancer.
Même s’il est encore assez difficile de démontrer le niveau de « dangerosité » de certains facteurs polluants environnementaux, de plus en plus d’études scientifiques trouvent la corrélation entre la pollution et certains cancers. En effet, selon l’Institut National du Cancer en France « Les dernières données scientifiques disponibles confirment que l’exposition prolongée à des niveaux élevés de pollution atmosphérique constitue un facteur de risque non négligeable de cancers du poumon». Sur la même ligne, les experts du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) ont passé au crible les études scientifiques disponibles évaluant le lien entre pollution atmosphérique et risque de cancers. Ils ont conclu, en octobre 2013, que la pollution atmosphérique est cancérigène pour l’homme.
Aujourd’hui, force est de constater que Dakar est une ville très polluée, d’autres grandes villes au Sénégal le sont aussi. Dakar suffoque, bien qu’étant une presqu’ile, Dakar manque cruellement d’air. L’urbanisation de Dakar s’est faite sans ceinture verte. Les arbres ont été les grands oubliés de son plan d’urbanisation. Aujourd’hui trouver un espace vert dans un environnement sain dans l’agglomération dakaroise est assez rare. Exceptés le parc forestier et zoologique de Hann et la forêt classée de Mbao, les grands espaces verts dans l’agglomération de Dakar sont malheureusement des endroits avec des eaux stagnantes, insalubres : zone de captage ou vallée de Mbeubeuss…
La gestion des déchets dans un cycle complet : collecte, tris, recyclage est assez problématique au quotidien. Les saletés jonchent fréquemment les rues de Dakar et celles de nos autres grandes villes. Très peu de quartiers sont épargnés par ce spectacle désolant. La décharge d’ordures, à ciel ouvert et non administrée, de Mbeubeuss dans la banlieue dakaroise ajoute un crucial et préoccupant problème à cette gestion des déchets urbains.
Est aussi facteur de pollution la fumée, chargée de micro particules, extrêmement dangereuses pour les poumons et émanant des pots d’échappement des vieilles carcasses de voitures fréquentes dans nos grandes villes notamment à Dakar. On se demande d’ailleurs comment celles-ci obtiennent l’autorisation de circuler à l’issue de leur contrôle technique. Plus préoccupant encore, certaines roulent de surcroit avec du mauvais carburant. A titre d’exemple : la zone de Point E, lieu de concentration dense d’activités ; bureaux, banques, restaurants, universités, clinique, offre un spectacle chaotique surtout aux heures de pointe. Il suffit de voir les embouteillages. Difficile de comprendre que des gens puissent respirer dans une telle atmosphère.
Les sources de pollution, nombreuses, sont malheureusement bien présentes dans le quotidien de beaucoup de sénégalais, vivant dans les grands pôles urbains. Sachant que cette pollution impacte fortement notre environnement, le problème de santé publique semble être saillant. Même s’il n’existe pas encore de données chiffrées tangibles sur la corrélation entre celle-ci et l’augmentation de certaines pathologies, le doute n’est pas permis. Cela cause déjà et causera davantage de gros problèmes de santé publique dans un futur proche. Ne serait-ce pas, in fine, un terrain fertile à l’augmentation de certains cancers ?
Avec le boom démographique que nous connaitrons dans 20 ans, nous devrons faire face à de nombreux défis et à des enjeux sociaux et environnementaux de taille. La pollution de nos villes augmentera considérablement. Il y a urgence à penser les plans d’urbanisation de nos nouveaux pôles urbains dans une vision holistique en y intégrant des concepts de smart city ou sensitive city.
Nos habitudes alimentaires méritent d’être questionnées
Comme l’environnement, certains facteurs nutritionnels de notre alimentation ont aussi un fort impact sur notre santé. Dans ce domaine aussi, des études ont mis en évidence l’influence de certains facteurs nutritionnels sur le risque de développer un cancer.
Au Sénégal, nos succulents et prisés plats à base de riz, trop amidonné, ont tendance à être trop gras et ou trop salés par rapport à l’apport journalier recommandé dans le cadre d’une alimentation équilibrée. Les additifs culinaires, notamment les bouillons que nous retrouvons dans le panier de la ménagère sénégalaise ne sont pas sans danger pour notre santé. Nos modes de préparations qui consistent à faire mijoter longtemps nos plats, favorisent une cuisson trop longue des viandes et les légumes et poissons. La conséquence étant d’appauvrir leurs apports nutritifs. Le poisson grillé voire carbonisé, sujet à contenir l’acrylamide, substance reconnue récemment comme hautement toxique favorisant le cancer représente donc un vrai danger. Des études ont démontré aussi que des cuissons à températures élevées donne naissance à des substances mutagènes et que des animaux exposés à ces substances, développent des cancers, notamment gastro-intestinaux. Par ailleurs les études épidémiologiques ont démontré que les personnes qui mangent le plus de viandes grillées, roussies, rôties ont plus de risques que les autres de développer un cancer du côlon, du sein, de la prostate, du pancréas. Par ailleurs certaines de nos habitudes alimentaires, notamment trop sucrées, nos boissons chaudes et froides feraient monter le taux de sucre sanguin. Cela peut favoriser un index glycémique élevé, très mauvais à terme pour la santé. Il paraît même que consommer trop de sucres ou des aliments « glycémiants » serait un terrain fertile à certains cancers dus aux surpoids et obésité.
Ces nombreux exemples mettent en exergue l’impact de certaines mauvaises habitudes alimentaires. Même s’il reste des zones d’incertitudes sur le rôle exact de certains d’entre eux, les prendre en considération permettrait d’amoindrir leur menace sur notre santé.
Ce panorama peu élogieux suscite des interrogations sérieuses autour des véritables facteurs de risque d’un cancer dont l’incidence ne cesse de croitre.
Au Sénégal il manque encore de données statistiques fiables sur le cancer à l’échelle nationale. Ces insuffisances statistiques aussi bien sur l’impact que sur la mortalité liée au cancer masquent l’ampleur du problème et détournent les stratégies vers d’autres priorités non moins préoccupantes (le paludisme, la tuberculose, le VIH/SIDA, l’insuffisance rénale, etc.). Selon la Ligue sénégalaise contre le cancer (Lisca), ce sont plus 20 800 nouveaux cas, dont les 20 000 concernent, pour la plupart, la tranche d’âge la plus productive, et les 800 concernent des enfants
En outre, selon les prédictions de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en 2020, le monde comptera 20 millions de cas de cancer, dont les 75% seront issus des pays en développement, notamment en Afrique.
Dans notre pays la « prise en charge » des malades du cancer n’est pas optimale. Mettre l’accent sur la prévention pourrait être une croisade efficace pour faire baisser le nombre de nouveaux cas.
Des mesures préventives et pas des moindres
Nous avons la chance de pouvoir encore jouir d’une agriculture pas trop touchée par les produits phytosanitaires. Notre alimentation est aussi composée de très peu d’aliments ultra transformés, fréquents dans les pays occidentaux, qui peuvent favoriser certaines maladies. Préservons ces acquis et adoptons des gestes responsables pour une alimentation saine sur l’ensemble de la chaine de valeur. Favorisons les aliments moins salés, moins sucrés, moins gras et en respectant un certain degré de cuisson. Réduisons aussi l’apport calorique journalier recommandé (ACJR) en nous basant sur les recommandations de l’OMS.
Avec une alimentation équilibrée et diversifiée, privilégiant les fibres, les fruits et légumes, nous pourrons réduire le risque de développer certains cancers.
Toujours à titre préventif, les autorités compétentes, via des messages d’allégation santé devraient inciter davantage les populations, en plus de ce changement dans notre mode d’alimentation, à pratiquer une activité physique régulière. La marche, rapide ou pas, peut avoir un effet bénéfique sur la réduction de certains risques sanitaires ou de maladies cardiovasculaires dues à une alimentation trop calorique et un mode de vie trop sédentaire. Dommage que nous n’ayons pas toujours des villes piétons-friendly avec des trottoirs accessibles aux piétons pour favoriser la marche pour le bien-être des populations et en prévention de certains problèmes de santé publique.
Aujourd’hui il semblerait qu’un environnement sain, en favorisant la réduction au maximum des émissions de polluants, dont celles du Diesel pourrait amoindrir la pollution dans nos villes. Au Sénégal, lors d’épisodes de pic de pollution atmosphérique (qui d’ailleurs sont de plus en plus fréquents), il est nécessaire d’accompagner les populations avec des messages de prévention comme cela se fait ailleurs. En France, par exemple, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) diffuse des messages pendant ces périodes pour inciter les personnes à réduire les activités physiques à l’extérieur, pour éviter l’inhalation de trop de polluants. Les jeunes enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes, ou malades sont également invités à limiter le nombre et la durée de leurs sorties au minimum nécessaire.
Comment réduire durablement ces risques ?
La ville africaine de demain devrait être smart en prenant davantage en compte les préoccupations de ses habitants tout en faisant converger aux mieux différents domaines pour assurer le développement à long terme des sociétés sur les plans économique, social et environnemental. Remettons l’homme, l’humain, au centre des priorités pour faire émerger une nouvelle société !
Il y a urgence à relever le défi de mettre en exergue ces différents domaines : logements et espaces de vie, eau, assainissement, gestion des déchets, accès à l’énergie, santé, transports, mobilité, infrastructures. Ces différents domaines seront repensés, conçus et intégrés dans les plans d’urbanisation pour offrir aux populations des cadres de vie agréables favorisant santé et « bien-être ».
A quand ce nouveau modèle ?
Cécile Thiakane
Actrice du développement social
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Sources :
www.lanutrition.fr ;
http://www.e-cancer.fr ;
http://www.cancer-environnement.fr ;
www.scientificamerican.com ;
www.pressafrik.com http://nouvelavenir.com