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Dakar :
dimanche, 04 septembre 2022 21:40

L'AMOUR AU CŒUR DU CONFLIT EN CASAMANCE

L'AMOUR AU CŒUR DU CONFLIT EN CASAMANCE egnabella.com
(...) Ce 26 décembre 1982, une foule compacte (...) composée de femmes, de jeunes et d’hommes de tous âges, venant des différents quartiers de la ville, s’est donné rendez-vous, selon leurs lieux de provenance, à des endroits clés de la ville. De là, les manifestants devaient tous rallier la Gouvernance. Les femmes scandaient des chants et dansaient. Il régnait sur les lieux une ambiance bon enfant, malgré certaines inscriptions sur les pancartes et les tracts lancés çà et là. La foule de manifestants était surexcitée à l’idée de pouvoir enfin exprimer ses griefs et son espoir de voir un lendemain meilleur pour la région. Les frustrations longtemps décriées, mais jamais résolues, dont les expropriations de terres sauvagement exécutées au détriment des propriétaires légitimes, les attributions de parcelles à des personnes totalement étrangères à la région (...) l’inertie des autorités centrales face à ce qui se passait en Casamance, ont fini par les pousser à sortir de leurs gonds. Ces populations voulaient juste un peu de considération de la part de l’État et de ses démembrements sur place. Ils voulaient surtout voir leurs problèmes résolus. (...)
 
(...) Mais comment comprendre que cette marche de grande envergure, qui était pourtant bien encadrée par des éléments
de la police et qui avait commencé dans l’ambiance, ait fini dans un bain de sang, une fois la foule arrivée devant la Gouvernance ? (...)
 
(...) Des morts, il y en a eu, ce jour-là, mais aussi des blessés. L’état d’urgence a été instauré un peu partout à Ziguinchor et la traque des insurgés fut lancée. La forêt de Diabir, à la périphérie de Ziguinchor, de l’autre côté de la piste de l’aéroport, s’avérait être le lieu adéquat pour le retranchement des manifestants qui n’avaient pas eu le temps de rentrer chez eux, de même que tous ceux qui étaient sur la liste rouge et qui étaient désormais activement recherchés par les forces de l’ordre pour atteinte à la sûreté de l’État.
 
Plusieurs personnes furent arrêtées et transférées à Dakar pour être jetées en prison. D’autres ont subi les pires atrocités, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Dans leur projet funeste de chasse à l’homme et d’arrestations arbitraires, les femmes et les jeunes n’y échapperont pas. La répression ne faiblissait pas ; les bavures et humiliations continuaient de plus belle. Les forces de l’ordre étaient plus que jamais déterminées à en découdre avec l’ennemi. Il suffisait qu’on ait le malheur de se retrouver dehors, à partir d’une certaine heure, pour être pris dans les filets de ces dernières. La peur d’être arrêté à tout moment s’emparait des Ziguinchorois, jusque sur leur lieu de travail. Tout le monde était sur le qui-vive. La méfiance était de mise. L’État avait dépêché des renforts à Ziguinchor, pour prêter main-forte à leurs frères d’armes. Des checkpoints étaient érigés un peu partout dans la ville et aux alentours de Ziguinchor. La situation était tendue et la population très inquiète. La peur avait fini par gagner du terrain.
 
En prenant part à cette marche ce fameux dimanche 26 décembre 1982, si les protestataires avaient une seule fois imaginé que les choses allaient prendre cette tournure tragique et que le sang allait couler de cette façon, faisant ces premières victimes, beaucoup d’entre eux, surtout les femmes, ne s’y seraient jamais rendus. Tout compte fait. Le mal était déjà fait. Le repli stratégique opéré dans la forêt de Diabir allait leur permettre de statuer sur leur mouvement et de le peaufiner, en attendant la suite des événements : le procès des détenus, à Dakar, qui était prévu pour le mois de décembre de l’année 1983, moins d’un an après les premiers affrontements entre les marcheurs du 26 décembre 1982 et les forces de l’ordre. Leur retranchement à Diabir leur avait permis de mieux s’organiser et d’envisager de nouvelles stratégies de lutte. De son côté, l’État avait pris toutes les dispositions nécessaires pour éviter tout basculement de la situation. C’est ainsi qu’il avait renforcé son dispositif de sécurité un peu partout dans Ziguinchor et ses environs. (...) P. 24-27
 
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