Et si demain un simple vaccin permettait d’éradiquer tout cancer ? Une étude de scientifiques allemands, publiée ce 2 juin dans la revue Nature, relance l’espoir. Il s’agirait d’un vaccin curatif et non préventif.
Un vaccin pour lutter contre tous types de cancer ? Une simple piqûre et puis s’en va ? L’idée paraît utopique et pourtant, depuis le début des années 2010, l’immunothérapie, traitement qui consiste à stimuler, par des injections, les défenses immunitaires de l’organisme contre les cellules cancéreuses, suscite d’immenses espoirs.
« L’immunothérapie fait partie des grandes révolutions récentes dans la lutte contre le cancer, une découverte indéniable », insiste le docteur Thierry Fest, chef du service immunologie au CHU de Rennes.
Un décès toutes les deux secondes en France
Le cancer, responsable de presque un décès toutes les deux secondes en France, se caractérise par la prolifération incontrôlée de cellules, liée à un échappement aux mécanismes de régulation. En se multipliant de façon anarchique, les cellules cancéreuses donnent naissance à des tumeurs, de plus en plus grosses, qui se développent en envahissant puis détruisant les organes qui les entourent.
L’étude menée par Ugur Sahin et ses collègues de l’Université Johannes Gutenberg de Mainz repose sur l’idée d’un vaccin universel pour combattre les cellules cancéreuses. Le principe de la vaccination est le suivant : un échantillon affaibli de l’élément pathogène est injecté dans le corps, le système immunitaire le détecte, le tue et est ensuite capable de tuer le vrai.
Le vaccin : un échantillon affaibli du virus visé injecté dans le corps. Le système immunitaire le détecte, le tue et est ensuite capable de tuer le vrai virus. (Photo : Chlorophylle/Fotolia)
Sur le même principe, les chercheurs ont produit des nanoparticules de graisse, dans lesquelles ils ont introduit des bribes génétiques de cellules cancéreuses, puis ils les ont injectés dans le système sanguin de souris. Ces nanoparticules ont été immédiatement repérées par les cellules immunitaires, qui se sont alors attaquées avec succès aux tumeurs des rongeurs.
Les chercheurs ont ensuite répété l’expérience sur trois patients souffrant de trois types de cancer différents, à des stades divers. Ils leur ont injecté les nanoparticules par voie intraveineuse, un avantage indéniable par rapport aux longues et lourdes chimiothérapies.
« Une étude intéressante et séduisante »
Le résultat chez les patients ? Des réponses immunitaires similaires et positives. La tumeur du premier patient, sur un nodule lymphatique, s’est amoindrie. Le second, à qui les tumeurs avaient été extraites chirurgicalement, n’avait plus vraiment de trace de cancer sept mois après la vaccination. Enfin, les tumeurs du troisième patient, parties de la peau et répandues dans les poumons, sont restées « cliniquement stables ».
Le Dr Thierry Fest, chef du service immunologie au CHU de Rennes, est enthousiaste par rapport à cette étude qu’il juge « intéressante et séduisante ». Un vaccin pour lutter contre le cancer, il y croit vraiment, surtout dans certains types de cancers « comme les mélanomes, les cancers du poumon par exemple ». Il est moins convaincu pour d’autres cancers « comme celui de l’enfant, le sein, les leucémies ».
« L’immunothérapie peut vaincre le cancer du poumon », selon Thierry Fest, chef du service immunologie au CHU de Rennes. (Photo : Chlorophylle/Fotolia)
Selon lui, notre corps aurait en lui « tous les éléments pour se débarrasser de protéines tumorales de manière naturelle » grâce à l’immunologie. Cette thérapie permettrait « une rémission » dans des cancers aussi dramatiques que celui des poumons. L’immunothérapie marcherait plus largement que les traitements ciblant certaines anomalies somatiques de la cellule tumorale. De plus, « dans la possibilité vaccinale il y a l’idée de curabilité au long cours », souligne Thierry Fest.
« Trois patients, c’est anecdotique »
Catherine Hill, épidémiologiste à Gustave-Roussy, premier centre de lutte contre le cancer en Europe, est, quant à elle, plus sceptique sur la question. Elle juge qu’il est prématuré et inapproprié de parler de traitement révolutionnaire : « Trois patients, c’est anecdotique,pointe-t-elle. Cette cure est donc hypothétique, au seul stade de prototype. »
Le traitement est pour l’instant expérimental et, selon elle, « peut s’avérer inefficace ». Thierry Fest la rejoint sur ce point, ces trois patients atteints de mélanome « n’ayant pas été pour autant guéris par ce traitement », souligne-t-il.
Face à la singularité de chaque cancer, les deux médecins s’interrogent sur le caractère « universel » de ce vaccin prototype.« Si ça doit avoir une application pratique, ce sera dans 25 ans », estime Catherine Hill.
Le tabac, la plus grande cause de cancers en France, pourtant évitable. (Photo : Photographee.eu/Fotolia)
De l’espoir
En attendant, que faire ? Continuer la recherche, indispensable,« mais aussi accentuer la prévention », poursuit l’épidémiologiste. Par exemple, 90 % des cancers du sein peuvent être guéris s’ils sont détectés tôt. Catherine Hill est surtout effarée devant le peu de prévention face à l’alcool et au tabac « les deux premières causes du cancer en France ».
Réussira-t-on à éradiquer le cancer ? Pour Thierry Fest, « être éradicateur est potentiellement atteignable, mais pour l’instant encore trop rare, dit-il. Traiter dès l’instant où la maladie apparaît est essentiel. » « Guérir une fraction plus grande de cancers est possible », estime Catherine Hill. Aujourd’hui, on guérit un cancer sur deux en France.